don't believe everything you see (William)

Dans la Salle des Dangers, Psylocke virevoltait entre les machines. L’acrobate usa de sa télékinésie comme d’un tremplin pour se propulser par-dessus le robot aux multiples bras articulés qui le menaçait. Alors qu’il dépassait la machine, Bentley fit apparaitre son katana d’énergie psionique dans le creux de sa main. Il se tendit en une ligne parfaite et, bien qu’à l’envers, trancha la machine dans toute sa hauteur. L’action n’avait duré que quelques secondes et les morceaux du robot gisaient désormais à ses pieds dans des gerbes d’étincelles électriques.
Le jeune mutant essuya son front perlé de sueur et repoussa ses mèches aux reflets violet sombre derrière ses oreilles. Dans cette réalité comme dans la sienne, il n’avait jamais compris comment l’Institut Xavier finançait tous ces robots destinés à la décapitation en Salle de Dangers.
Il sentit alors ses poils se hérisser et se retourna. Une certitude venait de le frapper de plein fouet, comme c’était souvent le cas avec son pouvoir précognitif. Quelque chose… quelque chose allait bientôt se passer. Son regard balaya la pièce gigantesque, occupée par leur groupe de mutants en plein exercice de combat. Aucun ne semblait avoir remarqué que quelque chose se tramait, et pourtant, le poids ne quittait pas l’estomac de Bentley. « Euh… Les mecs… » dit-il d’un ton inquiet en élevant la voix par-dessus le bruit des machines.

Toutes les lumières de la pièce s’éteignirent brutalement, ne laissant plus en guise d’éclairage qu’un gyrophare rouge. Un bruit strident retentit alors. « Alerte. Le périmètre de sécurité a été franchi. Je répète. Le péri- » Il fronça les sourcils. Si c’était une nouvelle simulation destinée à les rendre capables de s’adapter aux situations imprévues, l’exercice était vraiment déplaisant. Il souleva son katana d’énergie pour répandre une faible lueur violette autour de lui et essayer d’y voir plus clair, sans grand succès.
C’est alors qu’il réalisa le silence pesant qui s’était installé autour de lui. « Les gars ? Vous êtes encore là ? » Il tendit son esprit à leur recherche mais ne trouva pas d’autre conscience autour de lui. Où étaient-ils tous passés ? Une présence apparut soudain sur son radar mental, accompagnée de bruits de pas. Ami ou ennemi ? Peu enclin à le découvrir, il fit disparaitre son katana et lança son pied contre le mur pour se pousser en hauteur et venir escalader une plateforme, sur laquelle il se pendit par les jambes. La position n’était pas des plus confortables mais il était désormais caché dans la pénombre et prêt à se laisser tomber sur un potentiel assaillant si la situation l’exigeait…

La présence s’approchait et Bentley maudissait ses longues mèches brunes de réduire sa vision déjà compromise par l’obscurité rougeoyante qui enveloppait la pièce. Tous ses sens en alerte malgré le sang qui lui montait à la tête, il se tenait prêt à créer un katana d’énergie pour décapiter le nouvel arrivant au moindre signe de menace. La silhouette approchait toujours plus et Bentley se tendit, prêt à bondir. La voix qui retentit soudain le fit sursauter et il poussa un cri soulagé. « Bill- Professeur Maximoff ! » Le jeune homme se laissa retomber à côté de l’autre mutant dans un salto souple, pas mécontent de pouvoir se tenir dans le bon sens. « J’ai jamais été aussi content de vous voir, je comprends rien à ce qui se passe… »

Le vouvoyer et l’appeler Professeur Maximoff lui semblait toujours aussi bizarre. Était-il seulement professeur ici ? Six mois sur cette nouvelle Terre et Psylocke avait l’impression d’en découvrir de nouvelles subtilités chaque jour. Dans son monde, Billy Kaplan était encore un ado boutonneux tout juste capable de générer des éclairs bleus. Il n’était célèbre que parce qu’il était fiancé à un prince alien plutôt canon, raison pour laquelle Bent l’avait toujours jalousé. Les aliens qu’il avait rencontrés, lui, lui avaient pris ses yeux et avaient tenté de le tuer. Cette version adulte de Billy avait au moins l’air bien plus compétente – peut-être pourrait-il l’aider à faire sens de leur situation. « Je m’entrainais avec Colossus, Elixir et Sunspot quand la lumière a viré au rouge et depuis… Je n’arrive plus à sentir personne. A part toi. Vous ! » Il leva les yeux au ciel. C’était stupide. Autant y aller franchement. « On peut se tutoyer ? »  

Il fit d’autres pas dans la salle et contournant les grandes structures en métal que Colossus s’attelait à détruire quand l’alarme avait retenti. Il n’y avait plus aucun signe du Russe. Les doigts de Psylocke effleurèrent une marque de poing creusée dans le métal à la recherche d’une quelconque empreinte psychique, mais il n’y trouva rien d’autre qu’une impression glaciale. « C’est comme si tout le monde avait disparu. Et j’ai ce sentiment étrange, comme si… » Il frissonna et termina sa phrase dans un murmure honteux. « …comme si quelque chose de terrible allait arriver. » Personne n’avait jamais vraiment compris ses pouvoirs de précognition, relativement aléatoires. Son frère jumeau, Captain Britain, s’était souvent gentiment moqué de lui pour ses prédictions catastrophistes.

Perdu dans ses pensées, il entendit d’abord à peine l’éclat de voix qui avait retentit au loin. Puis le ton monta, et le regard de Bentley se porta vers la porte de la Salle des Dangers. Il aurait reconnu cette voix entre mille. « Brian ? » La silhouette d’un homme drapé d’un costume au motif de l’Union Jack traversa alors l’ouverture, avant de repartir dans la direction opposée en courant. Bentley s’élança à sa poursuite aussi vite que ses jambes parvenaient à le porter. « Brian, attends ! » Et, alors qu’il sortait de la Salle des Dangers, l’abysse sembla s’ouvrir sous ses pieds. Entouré par les ténèbres, il se mit à tomber, tomber, tomber…